chronique satirique du peuple du royaume de France.
Le 11 mars 2025
Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Ministres, mes chers collègues,
l’Europe est à un tournant critique de son Histoire, le bouclier américain se dérobe, l’Ukraine risque d’être abandonnée, la Russie renforcée.
Washington est devenue la cour de Néron : un empereur incendiaire, des courtisans soumis, et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique.
C’est un drame pour le monde libre, mais c’est d’abord un drame pour les États-Unis.
Le message de Trump est que rien ne sert d’être son allié parce qu’il ne vous défendra pas, qu’il vous imposera plus de droits de douane qu’à ses ennemis, et vous menacera de s’emparer de ses territoires, tout en soutenant les dictatures qui vous envahissent.
Le roi du deal est en train de montrer ce qu’est l’art du deal à plat ventre.
Il pense qu’il va intimider la Chine en se couchant devant Poutine.
Mais Xi Jiping devant un tel naufrage est sans doute en train d’accélérer les préparatifs de l’invasion de Taïwan.
Jamais dans l’Histoire un président des États-Unis n’a capitulé devant l’ennemi, jamais aucun n’a soutenu un agresseur contre un allié, jamais aucun n’a piétiné la constitution américaine, pris autant de décrets illégaux, révoqué les juges qui pourraient l’en empêcher, limoger d’un coût l’État Major militaire, affaibli les contre-pouvoirs et pris le contrôle des réseaux sociaux.
Ce n’est pas une dérive illibérale, c’est un début de confiscation de la démocratie.
Rappelons-nous qu’il a fallu qu’1 mois, 3 semaines et 2 jours pour mettre à bas la République de Weimar et sa constitution.
J’ai confiance dans la solidité de la démocratie américaine et le pays proteste déjà.
Mais en 1 mois Trump a fait plus de mal à l’Amérique qu’en 4 ans de sa dernière présidence.
Nous étions en guerre contre un dictateur.
Nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traitre.
Il y a 8 jours au moment même où Trump passait la main dans le dos de Macron dans la Maison Blanche, les États-Unis votaient à l’ONU avec la Russie et la Corée du Nord contre les européens réclamant le départ des troupes russes.
2 jours plus tard, dans le bureau ovale, le planqué du service militaire donnait des leçons de morale et de stratégie au héros de guerre Zélensky avant de le congédier comme un palefrenier, en lui ordonnant de se soumettre ou de se démettre.
Cette nuit il a franchi un pas de plus dans l’infâmie en stoppant la livraison d’armes pourtant promise.
Que faire devant cette trahison ? La réponse est simple, faire face.
Et d’abord ne pas se tromper.
La défaite de l’Ukraine serait la défaite de l’Europe.
Les pays baltes, la Moldavie, la Géorgie sont déjà sur la liste.
Le but de Poutine est le retour à Yalta où fut cédé la moitié du continent à Staline.
Les pays du sud attendent la fin du conflit pour décider s’ils doivent continuer à respecter l’Europe où s’ils sont désormais libres de la piétiner.
Ce que veut Poutine c’est la fin de l’ordre mis en place par les États-Unis et leurs alliés il y a 80 ans, avec comme premier principe, l’interdiction d’acquérir des territoires par la force.
Cette idée est à la source même de l’ONU où aujourd’hui les américains votent en faveur de l’agresseur et contre l’agressé.
Parce que la vision trumpienne coïncide avec celle de Poutine, un retour aux sphères d’influences, les grandes puissances dictant le sort des petits pays.
« A moi le Groenland, le Canada et Panama, à toi l’Ukraine, les pays baltes et l’Europe de l’Est, à lui Taïwan et la mer de Chine. »
On appelle cela dans les soirées des oligarques du golf de Mar-a-Lago « le réalisme diplomatique ».
Nous sommes donc seuls.
Mais le discours selon lequel on ne peut résister à Poutine est faux.
Contrairement à la propagande du Kremlin la Russie va mal.
En 3 ans la soit-disant 2ème armée du monde n’a réussi à grappiller que des miettes d’un pays 3 dois moins peuplé.
Les taux d’intérêt à 25%, l’effondrement des réserves des devises et d’or, l’écroulement démographique montrent qu’elle est au bord du gouffre.
Le coup de pouce américain à Poutine est la plus grande erreur stratégique jamais commise lors d’une guerre.
Le choc est violent mais il a une vertu, les européens sortent du déni.
Ils ont compris en 1 jour à Munich que la survie de l’Ukraine et l’avenir de l’Europe sont entre leurs mains et qu’ils ont 3 impératifs :
- Accélérer l’aide à l’Ukraine pour compenser le lâchage américain, pour qu’elle tienne et bien sûr pour imposer sa présence et celle de l’Europe dans toute négociation.
Cela coûtera cher, il faudra en terminer avec le tabou de l’utilisation des avoirs russes gelés.
Il faudra contourner les complices de Moscou à l’intérieur même de l’Europe par une coalition des seuls pays volontaires, avec bien sûr le Royaume-Uni.
En second lieu, exiger que tout accord soit accompagné du retour des enfants kidnappés, des prisonniers, et de garantie de sécurité absolues.
Après Budapest, la Géorgie et Minsk, nous savons ce que valent les accords avec Poutine.
Ces garanties passent par une force militaire suffisante pour empêcher une nouvelle invasion.
Enfin et c’est le plus urgent, parce que c’est ce qui prendra le plus de temps, il faut rebâtir la force européenne négligée au profit du parapluie américain depuis 1945 et sabordée depuis la chute du mur de Berlin.
C’est une tâche herculéenne, mais c’est sur sa réussite où son échec que seront jugés dans les livres d’Histoire les dirigeants de l’Europe démocratique d’aujourd’hui. Friedrich Merz vient de déclarer que l’Europe a besoin de sa propre alliance militaire.
C’est reconnaitre que la France avait raison depuis des décennies en plaidant pour une autonomie stratégique.
Il reste à la construire.
Il faudra investir massivement, renforcer le fond européen de Défense hors des critères de Maastricht, harmoniser les systèmes d’armes et de munitions, accélérer l’entrée dans l’Union de l’Ukraine qui est aujourd’hui la première armée européenne, repenser la place et les conditions de la dissuasion nucléaire à partir des capacités françaises et britanniques, relancer les programmes de boucliers anti-missiles et de satellites.
Le plan annoncé par Ursula Von Der Leyen est un très bon point de départ et il faudra beaucoup plus.
l’Europe ne redeviendra une puissance militaire qu’en redevenant une puissance industrielle, en 1 mot il faudra appliquer le rapport Draghi pour de bon.
Mais le vrai réarmement de l’Europe c’est son réarmement moral.
Nous devons convaincre l’opinion face à la lassitude et à la peur de la guerre et surtout face aux comparses de Poutine : l’extrême droite et l’extrême gauche.
Ils ont encore plaidé à l’Assemblée Nationale Monsieur le premier Ministre devant vous contre l’unité européenne, contre la défense européenne.
Ils disent vouloir la paix ce que ni eux ni Trump ne disent, c’est que leur paix c’est la capitulation, la paix de la défaite, le remplacement de « De Gaulle Zélensky » par un « Pétain ukrainien » à la botte de Poutine.
La paix des collabos qui depuis 3 ans ont refusé toute aide aux ukrainiens.
Est-ce la fin de l’Alliance Atlantique ?
Le risque est grand mais depuis quelques jours l’humiliation publique de Zélensky et toutes les décisions folles prises depuis 1 mois ont fini par faire réagir les américains.
Les sondages sont en chute, les élus Républicains sont accueillis par des foules hostiles dans leur circonscription.
Même Fox News devient critique.
Les trumpistes ne sont plus en majesté.
Ils contrôlent l’exécutif, le parlement, la cour suprême et les réseaux sociaux, mais dans l’Histoire américaine les partisans de la liberté l’ont toujours emporté.
Ils commencent à relever la tête.
Le sort de l’Ukraine se joue dans les tranchées mais il dépend aussi de ceux qui aux États-Unis veulent défendre la démocratie et ici de notre capacité à unir les européens, à trouver les moyens de leur défense commune, et à refaire de l’Europe la puissance qu’elle fût dans l’Histoire et qu’elle hésite à redevenir.
Nos parents ont vaincu le fascisme et le communisme au prix de tous les sacrifices.
La tâche de notre génération est de vaincre les totalitarismes du XXIème siècle.
Vive l’Ukraine libre, vive l’Europe démocratique.
Claude Malhuret (5 mars 2025 - Assemblée Nationale)